Troppo noi : l'adolescence à l'épreuve des fées (et des faits)

Paru fin 2023 aux éditions Mannarino, Troppo noi fiable per adolescenti de Fiammetta Segala et Carla Simoni me semble être un livre important.

Dans un monde où les adolescents sont de plus en plus souvent livrés à eux-mêmes, tiraillés entre leurs parents, l’école, les copains, le web mais aussi une société toujours plus anxiogène, leur besoin de repères est de plus en plus évident. Troppo noi est précisément un ouvrage qui peut en être un pour eux. La structure de ce petit livre (80 pages) le rend accessible à tout public.

Ecrit à quatre mains par Fiammetta Segala, maitresse de conférence et déjà auteure de livres destinés à un jeune public, et Carla Simoni, psychologue et pédagogue, Troppo noi alterne entre contes de fées et éléments discursifs autour de questions qui concernent le quotidien des adolescents. La grande réussite du livre réside dans le fait qu’il s’adresse en fait à un public plus large. Comme annoncé en quatrième de couverture, l’intention des auteures est bien de servir d’aide aux parents ou éducateurs mais aussi à tous ceux qui acceptent de jeter un oeil dans le rétroviseur de leur existence en la revisitant. Un défi réussi. Le propos est ici de dire comment. Fiammetta Segala a accepté de répondre à certaines de mes questions. Mais avant de découvrir prochainement cet entretien réalisé fin novembre, il me semble important d'évoquer le livre en lui-même.

On l’a dit, Troppo noi s’adresse originellement aux adolescents. L'objet du livre est d’aborder les grandes questions qui se posent généralement à eux au moment où ils forgent leur personnalité. Ils sont souvent confrontés à des situations auxquelles ils sont peu ou mal préparés. Tout va très vite et leurs propres parents n’ont pas toujours les codes pour transmettre ce qu’ils ont eux-mêmes reçus.

Chaque thème abordé est le prétexte d’une revisite d’un conte de fées par Fiammetta Segala sous forme poétique, conte lui-même agrémenté d’un dessin en noir et blanc, à l’exception d’un seul, ce que nous reverrons plus tard. Puis suivent deux pages plus discursives où Carla Simoni traite de la question de façon très fine et subtile. Le discours est clair, pédagogue (mais pouvait-on en attendre moins d’elle ?), sans injonction ni prêt-à-penser. Enfin, chaque chapitre se conclut systématiquement par deux questions qui permettent au lecteur de se positionner et de se recentrer sur lui et sa propre expérience.

L’intelligence du projet, c’est précisément de proposer plusieurs clés de lecture. Chacun, en fonction de ses dispositions personnels et de ses propres goûts, pourra se reconnaitre soit dans un conte allégorique, soit dans un dessin finement ciselé dont les détails évocateurs laissent libre cours à son imagination, soit dans un propos plus pragmatique lui proposant des pistes de réflexion, mais aussi recentrant le sujet sur son propre quotidien, ses doutes et ses interrogations.

Le mieux est encore ici d’illustrer par un exemple. Le chapitre sur le harcèlement moral et les intimidations est dans un premier temps illustré par Cendrillon.

Cendrillon

Des cendres sur le visage, des cendres sur soi

Des étincelles qui brûlent jusqu'à l'os.

Ce sont des mots qui font souffrir,

ils me disent : "Vilaine", "Tu dois mourir".

Ils me murmurent au visage que je ne vaux rien

Je commence à penser que tout cela est bien vrai.

La peur remplit mes yeux et mon cœur

se déchire dans cette douleur crue.

Personne ne remarque mon impuissance

combien fragile est ma résistance

quelqu'un se détourne et feint de ne rien voir

quelqu'un se moque de ma souffrance brûlante.

Je me sens engloutie dans le noir d'une nuit aiguë.

J'aspire à la lumière d'une fée marraine.

Quelqu'un qui perçoit la douleur que je ressens

et qui disperserait les cendres qui me recouvrent dans le vent .

S’ensuit un dessin pour le moins parlant.

Cendrillon - © Fiammetta Segala - Troppo noi, p.9 - Editore Mannarino

Puis les deux pages de Carla Simoni sont l’occasion de donner des exemples des différentes formes de violence possibles. Le sujet est abordé du point de vue de la victime et de ce qu’elle peut ressentir elle-même, physiquement et moralement, avec un vocabulaire choisi qui permet au lecteur d’éventuellement s’identifier ou de reconnaitre des exemples observés au cours de son existence.

Et précisément le sujet se termine systématiquement donc par deux questions "pour réfléchir un peu". Ici par exemple :

« 1 T’est-il déjà arrivé d’être harcelé par quelqu’un ?

   2 As-tu déjà assisté à des actes de harcèlement ? Qu’as-tu fait ? »

Une véritable porte ouverte à la réflexion personnelle, mais aussi - pourquoi pas ? - à des échanges en groupe ou en famille.

On ne peut souhaiter à ce petit mais importantissime livre de rencontrer le public et le succès qu’il mérite. Il constitue un outil précieux pour accompagner les générations à venir dans leur épanouissement et en faire des âmes belles et sereines dans un monde où le culte du corps a tout envahi. Il reste à espérer qu'une traduction française soit mise un jour à disposition du public francophone.

Xavier Arnaud

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Troppo noi, fiabe per adolescenti - Fiammetta Segala et Carla Simoni

Editore Mannarino - 80 pages - ISBN 979-12-5966-037-4

Première impression : septembre 2023

A commander soit auprès de l'éditeur soit chez son libraire habituel en ville ou en ligne.

A suivre : entretien avec Fiammetta Segala

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