Le son du jour, c'est celui de Daniel Damart.
Daniel Damart est un éditeur de rêve, d’abord parce que c’est un grand lecteur. Le Choletais de naissance a vite rangé ses mouchoirs et su se développer dans tous les domaines, par un sens de la logique implacable et une acuité supérieure à la moyenne. Sauf, peut-être, dans le domaine numérique. Ce qui l’a conduit, dans les halls d’aéroport et les chambres d’hôtel des pays où on l’envoie négocier, à lire et lire des livres de papier, sans jamais s’arrêter, en vrai boulimique. À entrer en contact avec des auteurs qu’il a aimés, timidement, pour fonder, autour du Réalgar* - la galerie au gravier blanc qu’il a ouverte à St-Etienne - les éditions éponymes, dont le catalogue s’épaissit : Jourde, Bergougnioux, Bourg, Josse, Flaten, Chavassieux, Haddad, bientôt. C'est chez lui aussi qu'ont été notamment été édités deux livres dont on a parlé sur L'Ambidextre, Aurelia Kreit de Laurent Cachard et Céphalées de Nicolas Vitas.
Damart aime associer un auteur et un artiste, dans des formats courts privilégiés, ouvre une collection de poésie (l’Orpiment) là où personne ne le fait, collectionne les « Lettres ouvertes » de 24 pages, se risque même, exceptionnellement, au grand format romanesque. Il privilégie le contact, signe des contrats d’une poignée de main et se promène dans un monde qu’il analyse, dans ses limites et ses possibilités. Sans jamais se prendre au sérieux. Laissant le temps le faire pour lui. P.H.
* (…) En réalgar, en arsenic rocher,
En orpiment, en salpêtre et chaux vive,
En plomb bouillant pour mieux les émorcher (…)
Villon, Ballade
Laissons-le à présent nous expliquer les raisons de son choix.
" Drôle d’exercice pour moi que de parler de musique, d’un morceau de musique, moi qui n’en écoute guère, qui ne vais pas au concert et ne suis pas l’actualité musicale, tout concentré que je suis sur la littérature, les livres, la lecture, l’édition. M’est revenu un morceau qui marqua ma jeunesse et ainsi que son compositeur et interprète. Ce dernier, Casthélemis, surement inconnu et disparu des mémoires, sans doute un peu ringard aujourd’hui. Il rassemblait à ses concerts (je l’ai vu deux fois) toute la jeunesse post-soixante-huitarde, trop jeune pour avoir voté pour Mitterrand, antimilitariste et antinucléaire (on adhérait naïvement à Greenpeace et envisageait l’objection de conscience) et à laquelle on finit par offrir Bernard Tapie en perspective d’incarnation des temps futurs. Cathélemis, espèce de grand frère chevelu et moustachu comme nous l’étions, nous faisait chanter ses ballades tendres et ses chants de révolte dans les sinistres couloirs d’un lycée d’une province pluvieuse.
N’importe quelle sorte d’amour fera l’affaire, et C'est l'histoire d'un copain qui s'appelait Coco, Ou Un tout petit bout de papier Bleu blanc et rouge et imprimé Avec dessus le mot armée, Mais aussi Car à l'aide d'une paille Je te ferai une entaille Et en pleine fontanelle J'aspirerai un peu de ton ciel Et enfin parmi d’autres : C'est pas banal Un banlieusard tropical Qui prend l'métro Pour boire un verre à Mexico
Enfin cette ballade promise, sorte de madrigal médiéval, Aïelo, étrange chanson évoquant une divine mélusine ; une vouivre excitante, fée ou sorcière des marais ? Je ne sus jamais qui était Aïelo. Casthélémis quitta le monde de la chanson, ouvrit un restaurant et disparut en 2003 sans que je ne puisse lui poser la question. Sans doute vaut-il mieux en entretenir le mystère. " |
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