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L'Ambidextre

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BD, Livre, Dessin, Peinture, Musique, Jeu Vidéo


Si j’étais Marty Mc Fly

Publié par Olivier Melville sur 27 Janvier 2021, 12:55pm

Catégories : #Musique, #Niagara, #MurielMoreno, #Olivier_Melville

On a trop souvent réduit Muriel Moreno à sa plastique, l’histoire musicale est remplie de ces raccourcis terrifiants, parce qu’ils ne se contentent pas d’enfermer l’artiste dans l’instant, mais déterminent l’image qu’on va se faire de lui, et reproduire. Niagara, dans les années 80’s, c’est une icône sexy-pop, qu’on limite à sa belle voix et ses poses sexy et un musicien qui compose et accompagne. On tient même le storytelling romantique qui va contrecarrer le peu d’appétence que la Belle montre pour la presse people : elle a vécu avec l’homme avec qui elle partage la scène, ils ne sont plus ensemble mais elle dépend forcément de lui comme lui dépend d’elle. L’idée de la muse et du Pygmalion est vieille comme le monde et ça suffit au groupe qui ne s’est jamais vraiment remis du succès de « Tchiki Boum » et de « l’Amour à la plage » - wahou tcha tcha tcha. Muriel eût-elle réagi comme José Tamarin, le troisième membre initial, en quittant la formation loin des repères rennais des premières Transmusicales, la face du monde en eût été changée, certainement. Peut-être aurait-elle laissé, par la suite, d’autres traces que l’injustement méconnu Toute seule, justement trop marqué par la rupture : qu’on aille avec ou qu’on aille contre, on part toujours du même repère. Il faudrait juste pouvoir remonter le temps – si j’étais Marty Mc Fly – revenir au 14 mars 1989, au Transbordeur, entre, dans mon histoire musicale, un concert dans un Wembley Stadium plein, le 2 septembre, pour voir, de la barrière, Youssou N’Dour, Tracey Chapman, Peter Gabriel, Sting et Bruce Springsteen et un autre, dans un Transbordeur non moins rempli, dix jours après que Muriel a enflammé la scène, du Voyage de Noz, un groupe lyonnais qui venait reprendre le flambeau laissé libre par Aurelia Kreit. Les plus jeunes ont déjà déserté l’article, je le sais et ne peux rien y faire : on parle là du monde d’avant le monde d’avant, dont on ne soupçonnait pas qu’il changerait aussi radicalement quelques mois après. Si j’étais Marty Mc Fly, disais-je, je remonterais au moment où le groupe, entre deux tentatives de revenir à Led Zeppelin quand tant de gens, dans la salle, ne voulaient que la variété qu’ils étaient venus chercher, je sonderais Muriel Laporte, dite Moreno par anagramme avec Monroe, j’irais, dans le sublime Quel enfer jusqu’à ce pur joyau de la chanson, dans ce qu’elle a de permanent, de mémoriel : Soleil d’hiver.

Ecrite, composée et arrangée par Daniel Chenevez, mais interprétée, comme les autres, par cette femme sublime qui d’un coup, à défaut de se mettre à nu – les hommes en rêvent, dans la salle – raconte, l’air de ne pas y toucher, l’histoire d’une jeune fille qui cherche à s’effacer (euphémisme) parce qu’elle ne trouve pas sa place dans une société qui ne montre, pour l’héroïne comme pour Muriel, que toutes les facettes de ce qu’elle appelle l'incommunicabilité. Si on l’avait connue plus tôt, en Boum ou en soirée, on l’aurait invitée à danser, plutôt que de viser – et d’échouer – la plus belle. La plus belle, en 1988, c’était Muriel, comme Marilyn en son temps : elles ont connu toutes les deux le malentendu du regard de l’autre, la triste limite qu’on leur affecte. L’une s’en est mieux sortie que l’autre, l’autre a sans doute inspiré le texte que l’une a chanté. On espère juste, maintenant, que celle qui reste vit bien et - empruntons les mots d’un autre Breton - qu’au moins quelqu’un (la) berce.

Olivier Melville

 

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